Le 6 janvier 1999, le pianiste Michel Petrucciani s'Ă©teignait Ă l'Ăąge de 36 ans. Pour le vingtiĂšme anniversaire de sa disparition, son fils Alexandre se souvient de ce pĂšre parti trop tĂŽt. Samedi 9 fĂ©vrier, un concert-hommage se tient Ă la Seine Musicale, aux portes de Paris, en prĂ©sence de nombreux musiciens dont le saxophoniste Joe Lovano, le batteur Aldo Romano et le pianiste Jacky Terrasson. Qui de mieux qu'Alexandre Petrucciani, son fils, pour Ă©voquer le souvenir du pianiste disparu il y a vingt ans ? NĂ© le 15 mai 1990 aux Lilas, le jeune homme habite aujourd'hui Ă Tours. Comme son pĂšre, il est nĂ© avec l'ostĂ©ogĂ©nĂšse imparfaite, connue sous le nom de "maladie des os de verre" du fait de leur fragilitĂ© excessive, et qui perturbe la croissance. Il avait 2 ans quand ses parents se sont sĂ©parĂ©s, 8 ans et demi quand son pĂšre est dĂ©cĂ©dĂ©. Il a grandi avec un demi-frĂšre de trois ans son aĂźnĂ©, Rachid, le premier enfant de sa mĂšre, que Michel Petrucciani aurait aimĂ© adopter. Ses parents Ă©tant restĂ©s trĂšs proches aprĂšs leur divorce, Alexandre Petrucciani reste marquĂ© par des souvenirs entre Paris et New York, son pĂšre ayant menĂ© l'essentiel de sa carriĂšre aux Ătats-Unis. Avec son frĂšre, il prĂ©pare un documentaire sur Michel Petrucciani. Alexandre Petrucciani a participĂ© Ă l'Ă©laboration de l'hommage organisĂ© samedi 9 fĂ©vrier Ă la Seine Musicale. Il y prendra la parole. Le concert sera prĂ©cĂ©dĂ© de la remise des trophĂ©es annuels de l'AcadĂ©mie du Jazz. - Culturebox Vous allez monter sur scĂšne samedi Ă la Seine Musicale, au dĂ©but du concert en hommage Ă votre pĂšre. Que devenez-vous ? Faites-vous de la musique ? - Alexandre Petrucciani Je m'occupe principalement de l'hĂ©ritage de mon pĂšre. Je fais aussi de la musique, mais de mon cĂŽtĂ©. Je n'ai pas vraiment le niveau professionnel. J'aime bien composer mais je n'ai suivi aucun parcours scolaire musical. Quand j'Ă©tais petit, je voulais faire du violon pendant un temps. Mon pĂšre m'a alors inscrit au conservatoire. Or Ă l'Ă©poque, en premiĂšre annĂ©e, on ne faisait que du solfĂšge, pas d'instrument. Ăa m'a dĂ©goĂ»tĂ© instantanĂ©ment, j'ai arrĂȘtĂ© la musique. Je crois que les choses ont changĂ© depuis dans les conservatoires. - Votre pĂšre a-t-il essayĂ© de son cĂŽtĂ© de vous transmettre son amour pour la musique ? A-t-il tentĂ© de vous donner des cours ? - Quand j'ai voulu commencer le violon, il Ă©tait tout content. Il a demandĂ© Ă Didier Lockwood, avec qui il Ă©tait trĂšs ami, de me prĂȘter son violon d'enfant. Alors mon pĂšre m'a donnĂ© un petit cours informel, on a un peu jouĂ© avec ce violon, il m'a montrĂ© les doigtĂ©s, ça s'est arrĂȘtĂ© lĂ . Mon pĂšre n'avait suivi aucune formation de violoniste mais il pouvait jouer les premiĂšres notes assez correctement. - Quel pĂšre Ă©tait-il ? PlutĂŽt complice ? PlutĂŽt sĂ©vĂšre, Ă l'ancienne ? - Non, il Ă©tait extrĂȘmement gentil, Ă l'Ă©coute, assez rigolo. [ndlr il rit] Il Ă©tait un petit peu immature, en fait ! Il faisait des blagues Ă mon niveau ! Il me passait de la mousse Ă raser et un rasoir sans lame, et on faisait semblant de se raser ensemble. C'est le genre de chose qu'il m'apprenait ! Mais il n'Ă©tait pas laxiste. Il Ă©tait extrĂȘmement rigoureux, il faisait en sorte que l'on soit des enfants gentils, polis, mon frĂšre et moi. - En tout cas, il n'a pas tentĂ© de faire pression sur vous... - Pas du tout. Il voulait que je sois ingĂ©nieur ! Mais il nous a toujours dit "Vous ferez ce que vous voulez. Je serai content." - On peut s'Ă©tonner qu'il n'ait pas tentĂ© de vous transmettre sa passion vu que lui-mĂȘme Ă©tait issu d'une famille de musiciens... - Il essayait peut-ĂȘtre Ă sa maniĂšre. Il jouait tout le temps quand on Ă©tait chez lui. On Ă©tait dans le salon qui Ă©tait adjacent Ă une salle ouverte de musique oĂč il avait son grand piano. Chaque fois qu'on Ă©tait lĂ , il jouait du piano, "Looking Up", "Colors", "Training"... C'Ă©tait des moments uniques, un trĂ©sor. Mais pour nous, c'Ă©tait tellement habituel qu'on n'avait pas conscience de ce que ça reprĂ©sentait. De la mĂȘme façon, il m'Ă©tait difficile de me rendre compte que mon pĂšre Ă©tait une grande star. Je savais qu'il Ă©tait reconnu pour sa musique. Mais savoir et comprendre, ce n'est pas pareil. Mon pĂšre Ă©tait accessible, ouvert, trĂšs sociable. Quand les gens venaient le voir, la plupart du temps il parlait, rigolait avec eux, signait des autographes sans problĂšme. Ce qui Ă©tait plus extraordinaire Ă mes yeux, c'est ce qu'on faisait. On avait Ă©tĂ© dĂ©jeuner en haut des tours jumelles... On Ă©tait retournĂ© Ă New York juste avant le dĂ©cĂšs de mon pĂšre, Ă Gramercy Park, Ă cĂŽtĂ© de l'Empire State Building. Mon pĂšre y avait achetĂ© un appartement un an plus tĂŽt. New York Ă©tait trĂšs accessible pour moi en fauteuil roulant. Les trottoirs Ă©taient trĂšs plats, larges, sans pavĂ©s. Il Ă©tait prĂ©vu que je m'y rĂ©installe mais ça n'a pas pu se faire du fait du dĂ©cĂšs de mon pĂšre. - Votre pĂšre avait-il des centres d'intĂ©rĂȘt en dehors de la musique et de sa famille ? - Les blagues, les amis, la fĂȘte, les filles ! C'Ă©tait un homme normal. Il aimait beaucoup faire rire, ĂȘtre avec ses amis. Je pense qu'il avait besoin d'ĂȘtre toujours entourĂ©. Il dĂ©testait la solitude. - Vous ĂȘtes nĂ© avec le handicap dont souffrait votre pĂšre. Ă un moment, lui en avez-vous voulu d'avoir pris le risque de vous le transmettre ? - C'Ă©tait une dĂ©cision commune de ma mĂšre et de mon pĂšre. Il y a des moments oĂč on en veut Ă nos parents de nous avoir fait exister. Mais ces moments sont fugaces et arrivent Ă tout le monde. Qui n'a pas dit "Pourquoi je suis lĂ , qu'est-ce que je fous dans cette vie de m... ?" AprĂšs, quand on naĂźt comme ça, il y a effectivement des choses difficiles, dont les opĂ©rations. Mon pĂšre n'en a pas fait, Ă Orange il Ă©tait plus isolĂ©, ses parents n'avaient pas l'expĂ©rience de cette maladie. On ne lui a pas mis de broches dans les os afin qu'il soit plus droit, etc. Ă moi, si. Quand on est un enfant, c'est trĂšs effrayant d'aller au bloc opĂ©ratoire, d'ĂȘtre endormi, d'avoir peur de ne jamais se rĂ©veiller. C'est plus la peur que la douleur qui m'embĂȘtait. J'ai eu une trentaine d'opĂ©rations entre mes 2 ans et mes 18 ans. J'ai une phobie de l'opĂ©ration. Les relations sociales et sentimentales peuvent ĂȘtre difficiles aussi. Le monde des enfants est trĂšs rude, sĂ©lectif. Mon enfance n'a pas toujours Ă©tĂ© Ă©vidente. Mais je n'ai jamais eu de difficultĂ© Ă me faire des amis. Je le dois peut-ĂȘtre Ă mon pĂšre. Les gens Ă©taient curieux de me connaĂźtre du fait de qui j'Ă©tais, et de fil en aiguille, ils apprenaient Ă me connaĂźtre, moi, en tant qu'Alexandre. Je n'en veux pas Ă mes parents. - Que pensez-vous avoir hĂ©ritĂ© de votre pĂšre ? - Sa joie de vivre. Peut-ĂȘtre sa force de caractĂšre. Ma mĂšre aussi en a beaucoup. Je pense qu'il m'a aussi transmis une certaine distance par rapport Ă la vie. Quand on regarde toujours du bas vers le haut [ndlr par rapport Ă sa taille, au fait d'ĂȘtre en fauteuil], on se retrouve en position d'observateur, avec une distance qui nous permet d'analyser les gens, de savoir s'ils vont bien ou pas. Mon pĂšre Ă©tait trĂšs fort pour ça. C'est presque un truc de survie, quand on a un handicap, d'ĂȘtre capable de cerner les gens trĂšs vite et surtout de pouvoir les "accrocher". Quand vous ne courez pas, ne marchez pas vite, il faut que les gens aient envie de rester avec vous. - Ătiez-vous prĂ©sent quand votre pĂšre est dĂ©cĂ©dĂ© ? - Pas du tout. Ce qui est trĂšs bizarre, c'est qu'environ une semaine plus tĂŽt, on fĂȘtait NoĂ«l Ă New York. C'Ă©tait sĂ»rement le meilleur NoĂ«l de ma vie. On Ă©tait Ă New York, on Ă©tait allĂ© Ă Toys R Us, on faisait des batailles de boules de neige dans le parc en face de la maison, on Ă©tait en famille... Quand je suis revenu en France, j'ai appris qu'il Ă©tait tombĂ© malade mais je ne m'attendais pas du tout à ça. C'est ma mĂšre, en larmes, qui me l'a annoncĂ©. J'Ă©tais en train de rĂ©viser une dictĂ©e pour l'Ă©cole. Mon pĂšre avait Ă©tĂ© hospitalisĂ© Ă New York pour une pneumonie, il a fait un arrĂȘt cardiaque dans la nuit. Quand je l'avais vu, il allait bien mais il Ă©tait essoufflĂ©, fatiguĂ©, il avait pris pas mal de poids Ă l'Ă©poque. Mon pĂšre, qui Ă©tait assez hypocondriaque, avait dit Ă ma mĂšre au tĂ©lĂ©phone "J'ai pas mal toussĂ©, je ne me sens pas bien, je pense que je vais mourir." Elle avait essayĂ© de le rassurer "Mais non, ça va aller, tu vas t'en sortir." Mon pĂšre avait parlĂ© Ă d'autres gens et leur avait dit "Je vais m'en sortir, je vais mieux." Ăa a Ă©tĂ© vraiment un choc. Ă la base, j'ai du mal Ă rĂ©aliser la mort, Ă rĂ©aliser que je ne reverrai jamais quelqu'un. La mort de mon pĂšre Ă©tait dure Ă ce moment, et ça l'est encore aujourd'hui. Chaque jour, il me manque comme s'il Ă©tait mort hier. C'est une peine qui ne s'en va jamais, qui reste en vous. On l'oublie parfois, puis elle revient. Ăa vous marque Ă jamais. Il n'a Ă©tĂ© prĂ©sent qu'un tiers de ma vie et il a pourtant influencĂ© ma vie entiĂšre. Et du fait de sa notoriĂ©tĂ©, c'est difficile de faire un deuil. Les gens vous parlent de lui, vous rappellent son souvenir, tous les jours. Concert hommage Ă Michel Petrucciani 1re partie remise des trophĂ©es annuels de l'AcadĂ©mie du Jazz Samedi 9 fĂ©vrier 2019, Paris, Seine Musicale auditorium, 20H Avec Joe Lovano saxophone, Jacky Terrasson piano, Lenny White batterie, GĂ©raud Portal contrebasse, Philippe Petrucciani guitare, Aldo Romano batterie, Flavio Boltro trompette, GĂ©raldine Laurent saxophone, Franck Avitabile piano, Laurent Coulondre orgue, Lucienne Renaudin-Vary trompette... Ă Ă©couter et voir aussi L'hommage musical Ă Michel Petrucciani Ă la Maison de la Radio, en fil conducteur de l'Ă©mission-concert cĂ©lĂ©brant les 10 ans de l'Ă©mission Open Jazz sur France Musique 18 dĂ©cembre 2018
Voici3ans que mon pĂšre est dĂ©cĂ©dĂ© suite Ă une crise cardiaque. Le manque qu'il m'a laissĂ© est Ă©norme, ce blog, c'est ma maniĂšre Ă moi de lui montrer que je pense encore Ă lui, que je l'aime et de lui rendre hommage . Skyrock.com. Connecte-toi; CrĂ©e ton blog; Chercher. Blog; En hommage Ă mon pĂšre monpereunange. Description : Voici 3ans que mon pĂšre est Le pĂšre de Manon est dĂ©cĂ©dĂ© il y a plus de neuf ans. Ă lâoccasion de la fĂȘte des PĂšres, elle a voulu lui Ă©crire tout son amour, qui ne sâĂ©vanouit pas, mĂȘme aprĂšs la mort. Article initialement publiĂ© le 20 juin 2020. Mon pĂšre est mort il y a neuf ans. Mon pĂšre est mort il y a neuf ans, et aujourdâhui encore, jâai lâimpression que ce nâest pas vraiment arrivĂ©. Câest Ă©trange comme sentiment, non ? Il est mort, enterrĂ©, et je continue parfois Ă vouloir lâappeler pour lui demander conseil, jâai encore son numĂ©ro enregistrĂ© dans mon tĂ©lĂ©phone, et je suis souvent prĂȘte Ă dĂ©gainer ce dernier pour lui raconter ma journĂ©e ou prendre de ses nouvelles. Les annĂ©es ont passĂ©, et mĂȘme si la douleur nâest plus aussi vive quâelle a pu lâĂȘtre, le manque, ce creux au milieu de ma poitrine est toujours lĂ , bien prĂ©sent. Depuis que jâai une petite fille et quâelle a la chance dâavoir elle aussi un pĂšre, ce trou me semble moins profond. Je suis devenue maman, mon mec est un papa, nous sommes des parents Ă notre tour, et le monde a continuĂ© de tourner. Mais cette Ă©volution ne mâempĂȘche pas dâĂȘtre toujours, moi aussi, la petite fille de mon papa. Et quel papa il Ă©tait, si vous saviez⊠Mon pĂšre, ce gĂ©nie Cette semaine, avec toutes ces publicitĂ©s qui tournent autour de la fĂȘte des PĂšres, je nâai pas pu mâempĂȘcher de penser encore plus Ă lui. Ă chaque fois que je reçois un mail disant ce dimanche, pensez Ă gĂąter votre pĂšre ! », la douleur se rĂ©veille, lâabsence se creuse, et mon bide se tord. Pour vous parler un peu de lui, mon pĂšre Ă©tait un vĂ©ritable gĂ©nie, au sens propre du terme. SurdouĂ© en maths, diplĂŽmĂ© de grandes Ă©coles, il avait un CV qui ne pouvait tenir sur une seule page, tant sa carriĂšre avait Ă©tĂ© riche et passionnante. Il avait Ă©tĂ© ingĂ©nieur en aĂ©ronautique, professeur dâĂ©conomie Ă la fac de Lille, il avait fait plusieurs fois le tour du monde, avait vĂ©cu des annĂ©es au PĂ©rou et en Bolivie afin de crĂ©er des systĂšmes ingĂ©nieux pour apporter de lâeau potable dans des villages qui nây avaient pas accĂšs. Ăa, câĂ©tait pour la version officielle. Mais ses derniers boulots avant sa retraite, je ne les connaissais pas vraiment. Il Ă©tait une sorte dâentremetteur entre personnes importantes, il faisait se rencontrer des diplomates, des politiques, des dirigeants. Je nâai jamais pu en savoir plus, parce quâil ne voulait rien dire. Mon pĂšre, cet homme discret qui a tant vĂ©cu Mon pĂšre Ă©tait une personne secrĂšte, presque timide, il ne sâĂ©talait jamais sur sa vie, sur son enfance, sur son passĂ©. Il Ă©tait nĂ© en 1933, il avait Ă©pousĂ© ma mĂšre Ă 36 ans â câĂ©tait assez rare, pour lâĂ©poque, de se marier aussi tard. Il avait connu la faim pendant la guerre, les coups de son pĂšre alcoolique, le bruit des bombardements et celui des bottes allemandes sur les pavĂ©s qui rĂ©sonnaient dans les rues. Il avait connu la peur en se cachant pendant les raids aĂ©riens qui dĂ©truisaient les bĂątiments autour du pensionnat dans lequel il grandissait, il avait dirigĂ© des troupes pendant la guerre dâAlgĂ©rie, il avait failli ĂȘtre fusillĂ© pour avoir refusĂ© dâenvoyer ses hommes en tuer dâautres, il avait Ă©tĂ© sauvĂ© in extremis des balles. Il avait vu tous les pays du monde ou presque, il avait vĂ©cu en AmĂ©rique du Sud au moment de lâascension du Che Guevara et de Fidel Castro. Mon pĂšre Ă©tait un livre dâHistoire, une bibliothĂšque entiĂšre de souvenirs dont il parlait peu, par pudeur et par secret. Mais quand il le faisait, on Ă©tait suspendu Ă ses lĂšvres, tant on pouvait ĂȘtre fascinĂ© par ce quâil racontait, lui qui avait vĂ©cu au plus prĂšs les grands Ă©vĂšnements qui font notre Histoire, lui qui avait connu personnellement des personnages emblĂ©matiques du monde, dont on peut lire les biographies aujourdâhui. Mon pĂšre Ă©tait extraordinaire, simple, dâune intelligence et dâune sensibilitĂ© rares. Il mâapportait toujours un regard pointu sur lâactualitĂ© ; vers la fin de sa vie, nous pouvions passer des heures au tĂ©lĂ©phone Ă discuter de tout ce qui faisait le monde qui mâentourait. Il Ă©tait profondĂ©ment bon, bienveillant et drĂŽle, et il Ă©tait plus quâune bĂ©quille sur laquelle je pouvais mâappuyer, il Ă©tait ma jambe tout entiĂšre. Mon pĂšre et moi, ça nâa pas toujours marchĂ© Si mon pĂšre Ă©tait tout ça et mĂȘme plus, il avait aussi ses faiblesses. Ma mĂšre est morte elle aussi quand jâĂ©tais plus jeune, je venais tout juste dâavoir 13 ans. Elle prenait beaucoup de place dans notre famille, et surtout sa place Ă lui ; car il nâĂ©tait, avant quâelle ne meure, que peu prĂ©sent, physiquement et mentalement. Il voyageait beaucoup pour son travail, et il Ă©tait de lâancienne gĂ©nĂ©ration pour lui, câĂ©tait ma mĂšre qui devait nous Ă©lever, pendant quâil travaillait partout dans le monde. Et mĂȘme si elle bossait aussi avec acharnement, câĂ©tait elle notre figure de rĂ©fĂ©rence, le pilier qui tenait la famille debout. Mon pĂšre rapportait ses expĂ©riences et son salaire, mais il nâĂ©tait jamais lĂ , ou presque. Quand elle est morte, toute notre famille sâest effondrĂ©e. Mon frĂšre et ma soeur Ă©taient tous les deux majeurs depuis un bail et avaient leur vie loin de la maison, et je me suis retrouvĂ©e seule avec un pĂšre que je ne connaissais pas et qui ne me connaissait pas non plus, le tout sur fond dâune crise dâadolescence plutĂŽt costaude Ă©tant donnĂ© les Ă©vĂšnements. Et mon pĂšre nâa pas rĂ©ussi Ă mâĂ©lever Ă son tour, il a prĂ©fĂ©rĂ© faire le choix que dâautres fassent mon Ă©ducation Ă sa place, en mâenvoyant en pensionnat, comme lui au mĂȘme Ăąge. Autant vous dire que de mon cĂŽtĂ©, la pilule est trĂšs mal passĂ©e. DĂ©jĂ abandonnĂ©e par ma mĂšre, mon frĂšre et ma soeur, je lâĂ©tais aussi par mon pĂšre. Voici comment je voyais les choses. Pour moi, il nâĂ©tait quâun lĂąche. Jâai appris bien plus tard quâil avait fait ce choix, car il Ă©tait en grande dĂ©pression suite au dĂ©cĂšs de sa femme, et quâil ne voulait pas que je voie ça. Il pensait chaque jour au suicide en se rĂ©veillant le matin, il nâarrivait pas Ă faire face, câĂ©tait au-dessus de ses forces. Pour lui, mâĂ©loigner Ă©tait une façon de me protĂ©ger, alors que jâavais vu ça comme un rejet. On a mis des annĂ©es Ă en parler, et Ă se pardonner. Il nâĂ©tait pas lĂąche, il Ă©tait maladroit. Il nâĂ©tait pas juste mon pĂšre, il Ă©tait un ĂȘtre humain, avec ses faiblesses. Mon pĂšre et ses combats contre la maladie Deux ans aprĂšs le dĂ©cĂšs de ma mĂšre dâune tumeur cancĂ©reuse au cerveau, ce fut au tour de mon pĂšre de passer par la case chimio et radiothĂ©rapie. Il a dĂ©veloppĂ© son premier cancer de la peau qui lui avait bouffĂ© toute lâoreille, et a dĂ» ĂȘtre opĂ©rĂ©. Les consĂ©quences de ce cancer Ă©taient aussi physiques les mĂ©decins avaient dĂ» lui couper un bout de lâoreille, et un nerf facial. Il fut donc paralysĂ© de la moitiĂ© du visage. Il sâappelait lui-mĂȘme la gueule cassĂ©e » et se moquait de son apparence particuliĂšre, pour mieux la vivre. Lui qui nâavait jamais Ă©tĂ© malade de sa vie, il payait les consĂ©quences de ses voyages dans la CordillĂšre des Andes sans crĂšme solaire pendant des annĂ©es, avec ce cancer de la peau qui le dĂ©figurait. AprĂšs de multiples rechutes et rĂ©missions pendant plus de dix ans, son cancer a fini par toucher aussi son estomac, son foie, puis par se gĂ©nĂ©raliser entiĂšrement. Il y a neuf ans, quelques mois avant sa mort, il nous a annoncĂ© quâil arrĂȘtait les chimiothĂ©rapies, quâil nâen pouvait plus. Il ne voulait pas finir comme ma mĂšre, allongĂ© sur un lit mĂ©dicalisĂ© et dĂ©pendant du corps mĂ©dical pour sâalimenter et se dĂ©placer. Il ne voulait pas dâacharnement, il ne voulait pas que nous, ses enfants, le voyions mourir comme nous avions vu mourir notre mĂšre pendant de longs mois. Mon pĂšre et ses derniĂšres volontĂ©s Quel guerrier il avait Ă©tĂ© pendant toutes ces annĂ©es et pendant le reste de la vie ! Mon pĂšre voulait du repos, il voulait la paix, et on ne pouvait pas le lui reprocher, lui qui sâĂ©tait si bien battu. Alors il sâest isolĂ©, avec sa nouvelle compagne, chez elle, prĂšs des cĂŽtes de lâAtlantique, pendant que je vivais Ă Paris. Jâai pu le voir une derniĂšre fois au mois de novembre, alors quâil pouvait encore marcher, et il est mort en mars. Je nâai pas eu le droit de le voir avant sa mort, jâai respectĂ© sa derniĂšre volontĂ©. Il avait choisi pour moi, il voulait que je garde une image de lui Ă la verticale et non pas couchĂ© et amoindri, et jâai respectĂ© ça. Jâai pu lui parler jusquâĂ ses derniers instants par tĂ©lĂ©phone, mĂȘme si les derniers jours avant sa mort il ne pouvait que mâĂ©couter, nâayant plus la force de parler. Il voulait que je continue Ă lui dire ce qui se passait dans ma vie de tous les jours et je me forçais Ă garder une voix enjouĂ©e, essayant de chercher des histoires Ă lui raconter, lui qui voulait tout savoir de mon quotidien pour vivre Ă travers moi. Le jour de sa mort, jâai Ă©tĂ© soulagĂ©e. Pas pour moi, jâĂ©tais effondrĂ©e vous vous en doutez, mais pour lui. Il avait enfin la paix quâil voulait, il Ă©tait enfin dĂ©barrassĂ© de ce crabe qui lui bouffait les entrailles, il avait terminĂ© sa vie, il nâavait plus Ă sâinquiĂ©ter. Mon pĂšre et son hĂ©ritage Neuf ans aprĂšs, la douleur de sa mort est moins vive, parce que jâarrive davantage Ă me souvenir de lui vivant et heureux. Depuis que je suis maman, je pense Ă lui avec nostalgie, me disant souvent quâil aurait Ă©tĂ© si heureux de connaĂźtre sa petite-fille, et que la rĂ©ciprocitĂ© aurait Ă©tĂ© pareille. Il aurait pu apprendre Ă ma fille Ă faire du feu comme une aventuriĂšre, Ă reconnaĂźtre toutes les empreintes de pattes dâanimaux sauvages dans la forĂȘt, Ă construire des cabanes dans les arbres avec quelques planches, Ă sâindigner quand une cause la touchait, Ă se rebeller quand il le fallait, Ă faire entendre sa voix qui compte tout autant que celle des autres. Il aurait pu lui apprendre ce quâil mâa appris et qui a fait de moi ce que je suis, mais ça ne sera jamais le cas. Heureusement, câest mon hĂ©ritage Ă moi, et je pourrai le transmettre Ă ma fille comme il lâa fait avec moi. Câest ça, lâhĂ©ritage de mon pĂšre, ça et mes valeurs. Câest son courage, sa tolĂ©rance, sa bontĂ© et sa dĂ©termination, quâil a eu le temps de me transmettre, et que jâessaye de transmettre Ă mon tour Ă sa petite-fille. Mon pĂšre est mort depuis neuf ans et il est toujours aussi prĂ©sent dans ma vie, dans mes choix et dans mes rĂ©flexions. Quand je doute, je me demande toujours ce quâil ferait Ă ma place ou ce quâil me conseillerait. Lui et moi, on a mis des annĂ©es Ă se connaĂźtre et Ă sâapprĂ©cier pour ce que nous Ă©tions. Mais notre relation Ă©tait exceptionnelle, unique et sublime. Il Ă©tait mon pĂšre et il Ă©tait mon ami, et il continue Ă vivre Ă travers moi, Ă travers ma fille, et Ă travers tous ceux qui ont eu la chance de le connaĂźtre. Alors bonne fĂȘte, mon papa. Hasta siempre. Ă lire aussi Ces moments oĂč mon pĂšre a Ă©tĂ© prĂ©sent pour moi TĂ©moignez sur Madmoizelle ! Pour tĂ©moigner sur Madmoizelle, Ă©crivez-nous Ă [email protected] On a hĂąte de vous lire !MessageDe Deuil. Mon PĂšre Me Manque. voila un petit poeme rien que pour toi mon souffre de pa te voir tu me manque tellement.tu est parti loin de moi.jen pe plus.je t'aime.tu me manque trop.
dimanche, 10 juin 2018. 1358 MONTRĂAL - Sous l'acclamation des dizaines de milliers de spectateurs, Jacques Villeneuve a menĂ© le peloton pendant le dĂ©filĂ© des pilotes du Grand Prix de Formule 1 du Canada, au volant de la Ferrari de son pĂšre dĂ©cĂ©dĂ©, Gilles. Cet Ă©vĂ©nement faisait partie des festivitĂ©s entourant le 40e anniversaire de la victoire de son pĂšre Gilles, en 1978. Il Ă©tait alors devenu le seul Canadien Ă remporter cette Ă©preuve, la toute premiĂšre disputĂ©e sur ce qui s'appelait alors le circuit de l'Ăźle-Notre-Dame, mais qui a depuis Ă©tĂ© rebaptisĂ© circuit Gilles-Villeneuve. Le moteur V12 Ferrari fait un son tellement assourdissant, donc je ne les spectateurs entendais pas, a d'abord mentionnĂ© le vainqueur du championnat 1997 avec Williams en s'extirpant de la voiture. Bien sĂ»r que j'Ă©tais Ă©motif; c'Ă©tait la voiture de mon pĂšre et j'ai couru toute ma vie sur ce circuit. Donc c'Ă©tait gĂ©nial, surtout que j'ai pu Ă©viter le mur des champions cette fois-ci. Mais vous savez, la piste n'a pas tellement changĂ© depuis le temps, donc c'est comme de faire de la bicyclette; ça ne s'oublie pas », a renchĂ©ri le pilote ĂągĂ© de 47 ans aux cheveux peroxydĂ©s, comme Ă l'Ă©poque de son championnat. AprĂšs avoir pris place Ă bord de la cĂ©lĂšbre monoplace rouge Ă©carlate de son pĂšre, Jacques Villeneuve a dit qu'il n'avait pas immĂ©diatement songĂ© Ă lui. Mais plutĂŽt au fait que la Ferrari 312T3 Ă©tait une vĂ©ritable bombe » sur quatre roues. La premiĂšre chose qui m'est venue Ă l'esprit, c'est tous les risques que les pilotes prenaient Ă l'Ă©poque, a dit celui qui a signĂ© 11 victoires en F1 entre 1996 et 2006. La voiture s'arrĂȘte aux hanches, aprĂšs ce n'est que du plastique, les pieds sont d'ailleurs accotĂ©s directement sur le pare-choc. Pour eux, c'Ă©tait une voiture sĂ©curitaire, car c'Ă©tait la technologie de l'Ă©poque, donc c'Ă©tait gĂ©nial de pouvoir revivre ça. » En retrait, sa mĂšre, Joann Villeneuve, a elle aussi vĂ©cu un moment spĂ©cial dimanche midi. Ăa fait chaud au coeur de voir ça la rĂ©action des spectateurs. L'idĂ©e de cet Ă©vĂ©nement a germĂ© dans ma tĂȘte lorsque j'ai vu la voiture de Gilles l'annĂ©e passĂ©e Ă Mosport », a racontĂ© l'instigatrice du projet. Cette Ă©motion, il fallait que je la fasse revivre Ă tous ceux qui l'ont vĂ©cue il y a 40 ans Ă MontrĂ©al, a-t-elle ajoutĂ©. Et quand tu vois que les gens rĂ©pondent exactement de la mĂȘme maniĂšre que toi, alors tu te dis que c'est une belle rĂ©ussite. Ăa fait vraiment chaud au coeur. » Elle a reconnu ĂȘtre devenue Ă©motive lorsqu'elle a vu Jacques Villeneuve embarquer dans la voiture de son Ă©poux, dĂ©cĂ©dĂ© en piste lors des qualifications du Grand Prix de Belgique, Ă Zolder, en 1982. Jacques, il vit dans le moment prĂ©sent; il a vĂ©cu comme ça toute ça vie. Donc, Ă chaque Ă©tape pour que cet Ă©vĂ©menement se concrĂ©tise, il me disait 'oui, je vais ĂȘtre lĂ , oui, je vais ĂȘtre lĂ '. Mais quand je l'ai vu prendre place dans la voiture, le sourire aux lĂšvres, je me suis dit qu'il Ă©tait vraiment heureux », a-t-elle confiĂ©. Comparer Verstappen Ă Gilles, c'est une insulte! » Plusieurs pilotes ont profitĂ© du week-end au Grand Prix du Canada pour souligner l'hĂ©ritage de Gilles Villeneuve en F1. Si la plupart des commentaires ont bien passĂ© auprĂšs de Jacques Villeneuve, d'autres l'ont carrĂ©ment outrĂ©. Ce fut le cas de ceux de l'ex-champion du monde, Niki Lauda, qui avait dĂ©clarĂ© Ă la station radiophonique 98,5 fm samedi, que le pilote dont le style de pilotage s'apparentait le plus Ă celui de Gilles Villeneuve actuellement Ă©tait le pilote Red Bull Max Verstappen. C'Ă©tait une insulte!, a-t-il lancĂ© sans dĂ©tour. Oui, parce que Gilles Ă©tait un pilote trĂšs respectueux, Ă©duquĂ©, et certes qui prenait des risques, mais qui ne mettait pas la sĂ©curitĂ© des autres pilotes en danger, qui ne faisait pas des zig-zags en ligne droite et surtout qui apprenait de ses erreurs. Donc, j'ai trouvĂ© vraiment insultant qu'on compare les deux. » Villeneuve a Ă©tĂ© beaucoup plus doux envers le pilote Ferrari Sebastian Vettel, qui a rendu hommage Ă Gilles aprĂšs avoir obtenu la pole position samedi. C'Ă©tait Ă©tonnant, car j'avais vraiment l'impression qu'il Vettel parlait avec son coeur, a commentĂ© Jacques Villeneuve. Il est passionnĂ© et aussi trĂšs au fait de l'histoire de la F1, donc c'Ă©tait touchant. » D'ailleurs, Vettel a couronnĂ© ce week-end riche en Ă©motions pour les 'tifosis' en signant sa deuxiĂšme victoire en carriĂšre Ă MontrĂ©al, et la premiĂšre de la Scuderia depuis Michael Schumacher en 2004. Nous avons vu Ă quel point ce circuit revĂȘt une importance particuliĂšre pour Ferrari; nous l'avons vu dĂšs notre arrivĂ©e ici, a dit l'Allemand. C'Ă©tait trĂšs Ă©mouvant de voir Jacques Villeneuve piloter la Ferrari de son pĂšre cet aprĂšs-midi, et ensuite j'ai pu l'emporter. C'est une journĂ©e mĂ©morable! »